La femme dans la société japonaise

Introduction

En guise d’introduction, il semble nécessaire de briser nos préjugés occidentaux. Au cours du dernier siècle écoulé, les Japonaises ont activement participé à de grands mouvements sociaux : combats pour les droits, luttes ouvrières ou encore écologiques. Ce qui a longtemps faussé leur image en Occident est un comportement social différent de celui de leurs homologues occidentales, qui privilégie la réserve plus que l’extraversion. Associé avec une position sociale cantonnée au foyer dans les années 1950-1970, il a donné de la femme japonaise l’image d’une femme moins émancipée que celles d’Occident. Cette vision est erronée puisque les Japonaises ont usé d’autres stratégies pour s’impliquer activement dans la vie de la Cité notamment par le biais des associations.


Historique

Il faut savoir dans un premier temps que ce que nous appelons la « Japonaise traditionnelle », figure des vertus cardinales d’obéissance et de modestie, n’existe pas. Ce n’est qu’une invention de l’ère Meiji. Aussi surprenant que cela puisse paraître, la liberté dont jouissait les Japonaises du Moyen-Age avait surpris les jésuites arrivés dans l’archipel au XVIe siècle et il la jugèrent même supérieure à celle des Occidentales. Par la suite, cette liberté fut entamée pour la minorité appartenant à la classe des guerriers, élevée dans les trois obéissances confucéennes (au père, au mari et au fils). Cependant la grande majorité des femmes des classes populaires ne fut pas touchée par ces préceptes, beaucoup d’entre elles exerçait même un travail dans les villes. La situation des Japonaises changea à partir de la révolution industrielle, qui cantonna les femmes de la nouvelle bourgeoisie dans un rôle domestique et procréateur de « bonne épouse et de bonne mère ».

Le rôle que la société japonaise de la modernisation réservait aux femmes a été codifiée pendant l’ère Meiji dans un code Civil. Selon les règles décrites dans ce code, les femmes sont incapables juridiquement, c’est-à-dire qu’elles ne possèdent aucun pouvoir de décision et dépendent complètement de leurs maris. Leur devoir est d’obéir à leur mari et leur belle-famille, s’occuper des tâches ménagères le plus discrètement possible et éduquer leurs enfants. La femme japonaise traditionnelle vit plus par devoir que par conviction. A y regarder de plus près, on se rend compte que leur situation n’était pas très différente de celle de nos ancêtre occidentales. Il faudra attendre 1947 pour que le Code Civil et leur situation juridique soient révisés.

Paradoxalement, les historiens ont remarqué que ce n’est que depuis 1945 que la majorité des Japonaises sont devenue des « ménagères à temps plein », lorsque les normes bourgeoises importées d’Amérique commencèrent à s’étendre à la classe moyenne naissante : une femme qui ne travaille pas devint un signe du statut social pour toute sa famille.

Aujourd’hui, les femmes se dégagent du statut subalterne forgé au cours de la modernisation et affirment leur existence sociale de différente façon.

 

Les femmes et le monde du travail

En nombre croissant dans les universités et les collèges, les Japonaises constituent un vivier de capacité et de qualifications attractif pour une société qui doit faire face aux défis du vieillissement et du déclin de la population active. Les mutations économiques entraînées par la récession (abandon progressif du salaire à l’ancienneté, augmentation du travail temporaire…), associées à une nouvelle législation du travail (lois sur l’égalité des chances dans l’emploi en 1986, sur les congés de maternité en 1995, puis sur l’abolition des restrictions à l’emploi féminin en 1997) ont ouvert de nouvelles perspectives de carrière aux femmes. Entre 1980 et 1996, le nombre de salariées a plus que doublé et en 2003 les femmes représentaient près de la moitié du salariat.

Néanmoins, les effets pervers de ces lois ainsi que la récession ont rendu le salariat féminin plus précaire. Elles sont en effet 10 millions soit 40% du salariat féminin (et 20% du salariat nippon) à travailler à temps partiel. Mais au Japon, cette expression est trompeuse : elle désigne un travail d’une durée presque égale à celle d’un temps complet mais avec une rémunération inférieure, sans aucune garantie et reposant sur un engagement verbal et non un contrat.

Quoiqu’il en soit, les femmes se sont véritablement émancipées dans le monde du travail durant ces dix dernières années et même au delà puisqu’elles tirent souvent les évolutions sociales.

 

Les femmes et le mariage

Les choix des femmes se sont multipliés et le mariage n’est plus qu’une option parmi d’autre. En outre, les pressions sociales demeurent et les femmes en sont toujours l’objet quand il s’agit de fonder un foyer et de pallier les lacunes du système de prise en charge des personnes âgées. Conscientes de ces contraintes, les jeunes femmes retardent le mariage pour conserver leur liberté et la possibilité, grâce à leur indépendance financière, de se laisser guider par leurs désirs.
L’âge moyen du mariage pour les femmes se rapproche de celui des hommes : 28 ans. Alors qu’autrefois, les filles craignaient de ne pas se marier, aujourd’hui ce sont les garçons qui ne sont pas aussi certains de trouver une épouse.

 

Les femmes, des « ménagères activistes » ?

Les Japonaise exercent toujours un pouvoir tangible sur le foyer, l’éducation des enfants et la gestion des finances du ménage. Les femmes au foyers ne sont plus les femmes soumises de l’ère Meiji. Ce sont parfois, au contraire, des privilégiées qui jouissent de ce que la presse a nommé le « paradis des femmes ». Loin de confiner leur vie à l’espace domestique, elles sont engagées dans un bon nombre d’activités gratifiantes. Soit elles emplissent les centres culturels, les cafés ou encore les restaurants, soit elles s’embarquent pour l’Europe ou les Etats-Unis, soit elles participent à des mouvements associatifs et deviennent des ménagères militantes.

Cette population de femme au foyer, baptisée « enjoist » diminuent en nombre du fait de la récession, étant donné que de moins en moins de maris ont des situations permettant à leur femme ce genre de liberté. Mais les associations animées par des femmes continuent à augmenter et constituent une autre sphère de leur influence sur la société : coopératives, réseaux de circulation parallèle des produits, mouvements civiques pour la protection de l’environnement…
De plus, alors qu’autrefois les Japonaises devaient se retirer du monde du travail pour se consacrer à l’éducation des enfants, elles fournissent dans 60% des cas un double revenus au foyer. D’avantage de femmes continuent de travailler tout en élevant leurs enfants ; d’autres préfèrent ne pas en avoir ou n’en avoir qu’un, contribuant aussi au déclin de la natalité et au vieillissement de la population.

 

Conclusion

Ainsi, contrairement à ce que beaucoup de préjugés revendiquent, le statut des Japonaises n’est pas à plaindre. Certes, les évolutions des mentalités ont été plus longues et même s’il reste du chemin à parcourir, il faut reconnaître que la femme japonaise bénéficie d’autant de liberté que nous autres Occidentales, que ce soit au niveau professionnel, au niveau de la liberté sexuelle ou au niveau du foyer. Cependant, il est certain que l’égalité homme/femme n’est pas tout à fait acquise (tout comme chez nous d’ailleurs) que ce soit au niveau des salaires ou de la répartition des tâches ménagères.

 

By Spy Myina

Source : Philippe Pons, Pierre-François Souyri, Le Japon des Japonais, Liana Levi/Seuil, 2005.